La couleur, la forme, le sacré.
La couleur est hypnose
La forme est symbole
Le sacré est sentiment
La couleur est rêve, envoûtement et séduction
La forme est jeu, abstraction et langage
Le sacré est émerveillement
La couleur est matière et source
La forme est limite, la forme est autre, la forme est objet
Le sacré est intimité, amour et vie
La couleur est la chair de la forme
La forme est le signe du sacré
Le sacré est la présence
La couleur envahit la forme
La forme identifie
Le sacré est l'homme dans son éternité
Craigie Aitchinson est un peintre écossais qui peint le rapport au monde dans sa simplicité, son dépouillement, son émerveillement. Seul le simple est merveilleux. L'enfant est naïf parce qu'il est simple. La foi est simple, l'amour est simple.
Les enfants ont l'intuition que la vie pourrait être simple si les adultes ne la rendaient pas compliquée. Les adultes sont les pervers polymorphes de leurs renoncements, ils sont les caricatures de leurs caractères, ils jouent à être eux-mêmes. Le Christ a été sacrifié sur l'autel du renoncement et de la solitude. On lui a coupé les bras mais il donne encore la paix et le blé. Le Christ n'a besoin de rien, l'homme n'a besoin de presque rien. Il faut prendre le temps de regarder en soi.
Les paysages de son enfance (Goatfell Isle or Arran, Holy Island), un chien fidèle (Wayney), un oiseau sur un arbre ( Yellow Bird), telle est la beauté et la vérité du monde de Craig Aitchinson.
Aitchinson a vu en Ecosse le Christ de Salvador Dali. Dali a peint un Christ d'une grande humanité, extatique, surplombant la paix du monde. Aitchinson a compris que la crucifixion est le découpage symbolique du monde.
La croix est le signe de l'homme. Regarder, c'est voir la croix suspendue sur la beauté et la simplicité du monde.
C'est l'homme simple et bon qui a été sacrifié sur la croix.
Et tel le moineau pendu du "Cosmos" de Gombrowicz, la crucifixion acquiert chez Aitchinson, toile après toile, le caractère obsessionnel de la banalité du mal fait par l'homme. Mais le mal, peint comme quasi-insignifiance d'un homme quelconque sacrifié sur la croix, réorganise néanmoins la signification du paysage humain.
L'innocence, mise en croix, est la marque indélébile de l'injustice. Un humain a pendu le moineau de Gombrowicz, d'autres humains ont voulu la mort du Christ. Le Christ organise désormais la beauté et la signification du monde.
Si vous ôtez la couleur, vous retirez la chair et le sang de la passion.
Si vous ôtez la forme, vous retirez le désir et l'obsession.
Si vous ôtez le sacré, vous retirez l'homme à l'homme.
Plus vous regardez attentivement les crucifixions d'Aitchinson, mieux vous percevez l'injustice, le dénuement, la solitude.
Dans leur simplicité, les peintures d'Aitchinson disent l'inéluctable de la condition humaine.
La beauté et l'injustice sont les deux plus grandes sources de l'étonnement humain. La beauté, en elle-même, est déjà l'injustice de sa différence.