"L'angoisse n'est pas la peur d'un objet, l'angoisse c'est la confrontation du sujet à cette absence d'objet où il est happé, où il se perd et à quoi tout est préférable, jusqu'à y compris de forger le plus étrange, le moins objectal des objets, celui d'une phobie. Cette peur, c'est d'abord celle d'une absence."
Lacan, Séminaire du 22 juin 1957
"Que peut vouloir dire de formuler ainsi l'un des désirs humains les plus constants et des plus difficiles à méconnaître: le désir d'autre chose?
Comment pouvons-nous concevoir la fonction dynamique de cette espèce d'opération de sorcière dont l'instrument est le signifiant, et dont le but, la fin, le résultat doit être une réorientation, une repolarisation, une reconstitution après une crise du signifié? (..)
Un signifiant obscur va servir de support à un fantasme imaginaire, à une mythologie, un in-signifiant qui a la fonction la plus profonde, celle d'être le soc qui va refondre d'une nouvelle façon le réel (...)
Ce que nous voyons apparaître c'est ce schéma fondamental de tout progrès mythique: on part d'un impossible ou d'une impasse pour arriver à une autre impasse ou impossibilité."
Lacan, Séminaire du 08 mai 1957
"Il est clair que ce n'est pas la même chose pour la mère si l'enfant est la métaphore de son amour pour le père ou s'il est la métonymie de son désir du phallus qu'elle n'a pas et qu'elle n'aura jamais. Dans ce cas, ce n'est pas en tant que phallophore que l'enfant est métonymique, c'est en tant que totalité."
Lacan, Séminaire du 20 mars 1957
"Dégager une loi naturelle, c'est dégager une formule signifiante, et moins elle signifie quelque chose et plus nous sommes contents.
[Plus le signifiant "parle" de lui-même et plus nous sommes contents car nous pouvons nous en remettre à une "parole" qui nous échoit comme signifiance pure, comme indépendante de nous, une signifiance maîtresse. Plus il ne signifie rien et plus il est indestructible.]
Que le signifiant signifie quelque chose, à savoir qu'il y a quelqu'un qui se sert du signifiant pour signifier quelque chose, cela s'appelait à l'époque de Jacob Boehme le signatura rerum, cela voulait dire que c'est justement le nommé Dieu qui est là pour nous parler...
A l'intérieur de la physique, la seule existence d'un système signifiant implique au moins cette signification: la conjonction des deux signifiants du tout et de l'un, c'est-à-dire la croyance que toutes choses sont Une ou que l'Un est toutes choses."
Lacan, Séminaire du 11 avril 1956
"La psychose, c'est comme un trou dans le signifiant.
Chez les névrosés, on sait qu'il y a une question et qu'ils se la posent. Chez les psychotiques, ce n'est pas sûr. Peut-être que pour eux le signifiant fait réponse avant et indépendamment de toute question, ou peut-être que leur question se pose sans eux."
Lacan, Séminaire du 18 avril 1956
- "Tu es celui qui me suivras partout." (élection, demande, ordre - quelque chose s'inaugure)
- "Tu es celui qui me suivra partout." (constat, prophétie, destin - quelque chose se répète)
- "Tu es celui qui me suivra partout". (condamnation, plainte, aliénation - quelque chose ne peut se terminer)
D'après une lecture de Lacan
Séminaire du 13 juin 1956
"Les sentiments sont toujours réciproques. C'est absolument vrai, malgré les apparences. Dès que vous mettez en champ deux sujets, les sentiments sont toujours réciproques."
J. Lacan, Séminaire 1
"L'ego comme fonction imaginaire est loin de se confondre avec le sujet (...) Parce que le sujet parlant, nous devons forcément l'admettre comme sujet pour une seule raison: qu'il est capable de mentir, c'est-à-dire qu'il est distinct de ce qu'il dit (....) Et bien, cette dimension du sujet parlant, et du sujet parlant en tant que trompeur, est ce que Freud nous découvre dans l'inconscient (...) Freud nous montre que non seulement dans le sujet humain il y a quelque chose qui parle, mais qui parle au plein sens du mot parler, il y a quelque chose qui ment, en connaissance de cause, et hors de l'apport de la conscience (...) Mais cette dimension du sujet, du même coup ne se confond plus du tout avec l'ego. Le moi est déchu de ce fait même de sa position absolue dans le sujet, le moi est un mirage, comme le reste, un élément des relations objectales du sujet."
Lacan, Séminaire du 19 mai 1954
"L'introduction du symbole renverse les positions; l'absence est évoquée dans la présence, et la présence dans l'absence.
Et c'est en tant que le monde du symbole permet cette inversion, c'est-à-dire annule la chose existante, qu'il ouvre avec lui tout le monde de la négativité, qui constitue à la fois le discours du sujet humain, et la réalité de son monde en tant qu'humain.
Le masochisme primordial est autour de cette première négativation, et même meurtre de la chose, pour tout dire, à l'origine."
Lacan, Séminaire du 05 mai 1954
"L'ignorance est en elle-même un terme dialectique pour autant qu'elle n'est littéralement constituée comme telle que dans une perspective de recherche de la vérité. Si le sujet ne se met pas en référence avec la vérité, il n'y a pas d'ignorance. Si le sujet ne recommence pas à se poser la question de savoir ce qu'il est et ce qu'il n'est pas, il n'y a pas de raison qu'il y ait un vrai et un faux, ni même qu'il y ait certaines choses qui vont au-delà, à savoir cette distinction fondamentale de la réalité et de l'apparence. L'ignorance se constitue d'une façon polaire par rapport à la position virtuelle d'une vérité à atteindre; elle est en état du sujet en tant qu'il parle, pour autant que sa parole se met à errer à la recherche du langage correct (...).
Or méconnaissance n'est pas ignorance, la méconnaissance représente un certain nombre d'affirmations et de négations, une certaine structure, une certaine organisation. Le sujet y est attaché. [Mais pour qu'il y ait méconnaissance], il faut quand même qu'il y ait derrière cette méconnaissance une certaine connaissance de ce qu'il y a à méconnaître."
Lacan, Séminaire du 05 mai 1954
Jean Hyppolite: L'animal est soumis à la mort quand il fait l'amour mais il n'en sait rien
Jacques Lacan: Tandis que l'homme lui le sait, il le sait et il l'éprouve.
Cela va jusqu'à dire que c'est lui qui se donne la mort; il veut par l'autre sa propre mort.
Nous sommes tous bien d'accord que l'amour est une forme de suicide.
Le Séminaire de J. Lacan du 07 avril 1954
"Les mêmes impressions, les mêmes évènements qui sont arrivés à un individu, les mêmes impulsions, excitations qu'une personne par exemple laisse naître en elle ou qu'elle élabore de façon consciente, sont par une autre personne (ces mêmes impulsions, excitations) repoussées avec indignation, ou même étouffées, avant de devenir consciente."
"Nous pouvons dire qu'une personne a érigé un idéal auquel il mesure son moi actuel tandis que l'autre en est dépourvu. La formation de l'idéal serait donc de la part du moi la constitution du refoulement. C'est vers ce moi idéal que va maintenant l'amour de soi, dont jouissait dans l'enfance le moi réel. Le narcissisme paraît dévié sur son nouveau moi idéal qui se trouve en possession de toutes les précieuses perfections du moi, comme le moi infantile. L'homme s'est montré incapable comme toujours dans le domaine de la libido de renoncer à une satisfaction une fois obtenue."
Freud, Introduction au narcissisme, commenté lors du Séminaire de Lacan du 31 mars 1954
"C'est souvent ce qui apparaît comme trop harmonieux et trop compréhensible qui recèle en soi quelque opacité, et c'est inversement dans l'antinomie, dans la béance, dans la difficulté, que nous trouvons des chances de transparence. C'est à ce point de vue là que repose toute notre méthode."
Lacan, Séminaire du 17 mars 1954
"La parole donnée, la parole pleine, la parole en tant qu'elle vise, en tant qu'elle forme cette vérité s'établissant dans la reconnaissance de l'un par l'autre...
Un des sujets se trouve après, autre qu'il n'était avant. (...)
Dans son essence le transfert efficace c'est tout simplement l'acte de la parole. Chaque fois qu'un homme parle à un autre, d'une façon authentique et pleine, c'est un transfert au sens où il se passe quelque chose qui change littéralement la nature des deux êtres en présence."
Lacan, Séminaire du 17 mars 1954
"La parole est menteresse et c'est précisément parce qu'elle est menteresse, parce qu'elle instaure, qu'elle introduit le mensonge dans la réalité, c'est-à-dire quelque chose qui n'est pas. C'est parce qu'elle introduit ce qui n'est pas, qu'elle peut aussi introduire ce qui est. Car avant la parole, rien n'est ni n'est pas. Tout est là sans doute, mais c'est avec la parole qu'il y a les choses qui sont (qui sont vraies ou fausses, qui sont) et des choses qui ne sont pas.
C'est avec cette dimension de la parole que se creuse, dans le réel, la vérité, qui n'a avant la parole aucune raison de s'y introduire, car il n'y a rien, ni vrai, ni faux, tout est là dans la situation; il n'y a aucune espèce de vrai ni de faux avant que la parole puisse en s'y introduisant y introduire le mensonge, dans une sorte de triangle à trois sommets: le mensonge, la méprise, l'ambiguïté.
De par sa nature fondatrice [du vrai, du faux, de ce qui est et de ce qui n'est pas], la parole est vouée à cette ambiguïté et si elle n'est pas par essence ambiguë, elle n'est plus parole."
Lacan, séminaire du 09 juin 1954
"L'erreur, c'est l'incarnation commune et habituelle de la vérité. Et si nous voulons être tout à fait rigoureux, nous dirons que tant que la vérité n'est pas tout à fait révélée -c'est-à-dire selon toute probabilité jusqu'à la fin des siècles- il est de sa nature de se propager sous forme d'erreur. Et il ne faudrait pas pousser les choses beaucoup plus loin pour que nous voyons même là une structure constituante de la révélation de l'être."
Lacan, Séminaire du 30 juin 1954
"La face radicale de non-sens qu'il y a justement derrière tout sens car il y a un point où, forcément, le sens émerge, et est crée. Mais en son point où il est crée, l'homme peut très bien sentir qu'il est en même temps anéanti, que c'est même parce qu'il est anéanti qu'il est crée. La fonction du trait d'esprit est exactement l'irruption du non-sens dans un discours qui a l'air d'en avoir un, et l'irruption calculée."
Lacan, Séminaire du 07 juillet 1954
"Le rapport de cette structuration de la parole dans la recherche de la vérité dans ces trois temps, si je voulais les exprimer à la façon de ses tableaux allégoriques qui florissaient à l'époque romantique: la vertu poursuivant le crime, aidée par le remords, je vous dirais: l'erreur fuyant dans la tromperie, et rattrapée par la méprise."
Jacques Lacan, Séminaire du 07 juillet 1954
"Cette sorte de naïveté individuelle du sujet qui croit en lui, qui croit qu'il est lui, est une folie assez commune qui fait partie de l'ordre des croyances. Evidemment nous avons tous tendance à croire que nous sommes nous. Mais nous en sommes pas si sûrs que ça. Regardez-y de plus près: en bien des circonstances nous en doutons."
Lacan, Séminaire du 17 novembre 1954
[Le "je pense donc je suis" de Descartes s'avère, à un examen plus précis, poser un problème qui peut apparaître à certains comme devoir être résolu par la pure et simple reconnaissance d'une sorte d'escamotage parce qu'à la vérité il est bien vrai que la conscience est transparente à elle-même, et se saisit elle-même comme telle, même après ample examen de la question, il apparaît bien que ce "je" qui est donné dans la conscience n'y est guère donné différemment d'un objet; c'est-à-dire que si la conscience est transparente à elle-même, le "je " ne lui est pas pour autant plus transparent. En d'autres termes, la conscience ne renseigne guère sur ce "je" plus qu'elle ne nous renseigne sur aucun objet quand un objet est donné à la conscience.]
Jacques Lacan, Séminaire du 17 novembre 1954
"Toute conscience est conscience de quelque chose" (Husserl) que nous ne connaissons pas.
"Je est un autre" Rimbaud
[Freud écrit en 1920 "Au-delà du principe de plaisir", pour dire qu'il est bien entendu qu'on ne peut pas en rester là, et que la question reste toujours entière, sous la forme du symptôme, d'un déplaisir, d'une souffrance. Et que cela revient toujours.
Pourquoi ce système refoulé continue-t-il à se manifester avec insistance? Pourquoi, puisque tout le système nerveux est conçu comme étant destiné à arriver à une position d'équilibre, n'arrive-t-on pas à une position d'équilibre?]
Lacan , le Séminaire du 12 janvier 1955
["L'inconscient est le discours de l'autre", ce n'est pas le discours de l'autre abstrait, de l'autre dans la diade, de mon correspondant, ni même simplement de mon esclave; c'est le discours de tout un certain circuit dans lequel je suis intégré, parce que je suis un des chaînons. C'est le discours qui est celui de mon père par exemple, en tant que mon père a fait des fautes que je suis absolument condamné à reproduire; je suis condamné à les reproduire parce qu'il faut que je reprenne ce discours qu'il m'a légué, non pas simplement parce que je suis son fils, mais parce qu'on n'arrête pas la chaîne du discours, et que je suis chargé de le transmettre dans toute sa forme aberrante et mal posée, à quelqu'un d'autre, c'est-à-dire à poser à quelqu'un d'autre le problème d'une situation vitale où il y a toutes les chances qu'il achoppe également, c'est-à-dire que ce discours fasse enfin cette sorte de petit circuit, où se trouve pris toute une famille, toute une coterie, voire tout un camp, toute une nation ou la moitié du globe, et qu'on appelle cette forme circulaire d'une certaine parole, précisément pour autant qu'elle est à la fois juste à cette limite de sens et de non-sens, qui fait que c'est une parole problématique, c'est-à-dire que quelque chose est posé qui est un problème, qui est la solution d'une question symboliquement posée.
Ce que nous trouvons dans le besoin de répétition, tel que nous le voyons surgir au-delà du principe de plaisir, c'est cela qui vacille au-delà de tous les mécanismes d'équilibration, d'harmonisation et d'accord, sur le plan biologique, c'est quelque chose qui est introduit par le registre du langage, la fonction du symbole, et la problématique de la question dans l'ordre humain."]
Lacan, Séminaire du 19 janvier 1955
[Il y a une remarque de Jakobson: "Trouvez la nature du rêve, et vous aurez trouvé tout ce que l'on peut savoir sur la démence et la folie".
Et bien c'est faux, cela n'a rien à faire. Naturellement que ça manie les mêmes éléments, qu'on peut retrouver des symboles dans les deux, des analogies, par rapport au niveau de conscience. Mais c'est justement la perspective dans laquelle nous ne nous plaçons pas. Car justement toute la question est là: pourquoi un rêve n'est pas une folie? Et inversement, s'il y a quelque chose d'important à définir dans la folie, c'est justement parce que l'ensemble du mécanisme majeur, déterminant de la folie, n'est absolument pas celui qui passe chaque nuit dans le rêve.]
Lacan, Séminaire du 02 février 1955
"La résistance et la censure, ce n'est absolument pas la même chose.
La résistance du sujet est quelque chose qui est liée à tout cet ordre, ce registre, que nous appelons fixation imaginaire, et bien autre chose encore, insertion, ancrage narcissique... Pour tout dire la résistance est liée au registre du moi.
La censure est toujours quelque chose qui a rapport avec ce qui, dans le discours, se rapporte à la loi en tant qu'elle est incomprise par le sujet."
Lacan, Séminaire du 16 février 1955
L'obsédé s'obsède de ne pas être lui pour ne surtout pas être lui.
"Si l'obsédé se mortifie c'est parce qu'il est plus aliéné à lui-même qu'un autre. L'obsédé dans tout ce qu'il vous raconte est toujours un autre, quelques sentiments qu'il vous apporte, c'est toujours ceux d'un autre que lui-même (...) dans la mesure même où il évite son propre désir, et où tout désir dans lequel il s'engage (même apparemment), il le présentera typiquement comme le désir de cet autre qu'est son moi."
Nous devons lui apprendre à reconnaître ce qu'il veut, et ce qu'il veut c'est la destruction de l'autre, puisqu'il recherche la destruction de lui-même qu'il s'obsède à être sans jamais pouvoir y parvenir.
Lacan, Séminaire du 08 juin 1955
"Assurément notre femme doit nous tromper de temps en temps avec Dieu."
Lacan, Séminaire du 08 juin 1955
"Quand on est déçu, on a toujours tort. Il ne faut jamais être déçu des réponses que l'on reçoit, puisque c'est ce qu'il y a de merveilleux, c'est que ce soit une réponse, c'est-à-dire justement ce qu'on n'attendait pas."
[A chaque fois qu'une science humaine -et quelle science est plus "humaine" que la psychanalyse- veut unifier son champs par le langage, plus nous faisons parler les hommes et plus nous devons craindre de ne réussir ainsi qu'à les faire taire. Et c'est là l'interprétation la plus correcte de la fin de l'histoire de M. Hegel: le jour où les hommes n'auront plus qu'à la fermer. La science humaine contenant alors tout le langage unifié de l'homme.]
[Le sujet analytique tel que nous le prenons, non pas dans sa totalité -comme on passe son temps à nous casser les pieds à le dire "avec sa totalité", parce que pourquoi serait-il total? Nous n'en savons rien. Vous en avez déjà rencontré vous des êtres totaux? C'est peut-être un idéal? Mais moi je n'en ai jamais vu. Moi, je ne suis pas total, vous non plus. Si on était "totaux" on serait chacun de notre côté "totaux". On ne serait pas là ensemble à s'organiser, à se parler]
[Il se trouve que depuis le plus jeune âge, ceux à qui nous parlons sont aussi ceux auxquels nous nous identifions d'une manière ou d'une autre (...) et la possibilité du mensonge est la seule preuve que nous ayons que l'Autre soit un Autre.]
"Le langage est aussi bien fait pour nous fonder en l'autre que pour nous empêcher de le comprendre."
Jacques Lacan, Séminaire du 25 mai 1955
"A quel moment est-ce que je suis vraiment moi? A savoir: le moment où je ne suis pas content ou le moment où je suis content parce que les autres sont contents? Ce rapport de la satisfaction du sujet avec la satisfaction de l'autre -entendez bien sous sa forme la plus radicale- et bien c'est ce dont il s'agit toujours quand il s'agit des rapports de l'homme."
Jacques Lacan, Séminaire du 25 mai 1955
"C'est justement la définition de l'existence, que toute existence a en soi quelque chose de tellement improbable qu'on est en effet dans l'interrogation perpétuelle sur sa réalité."
Lacan, Séminaire du 19 mai 1955
[Le désir n'est rien de nommable. Le désir est manque à être (...)
La notion même de la libido, en tant qu'elle crée les différents stades de l'objet est justement ceci que les objets ne sont jamais "ça", sauf à partir du moment où "c'est tout à fait ça."]
Lacan, Séminaire du 19 mai 1955
[ L'expérience freudienne ne part en aucune manière d'un monde théorique, de la contemplation classique d'une theoria où les choses seraient à leur place dans un monde d'objets ou d'essences définis ou délimités.
L'expérience freudienne commence à poser un monde du désir. Ce monde ne part d'aucune considération préalable sur le fait. Car le monde qui se présenterait, soit comme monde des apparences, soit derrière le monde des apparences, comme étant celui, plus réel, des essences, c'est celui que la physique ou la philosophie appelle le monde des choses ou le monde de l'être. Or le monde freudien, c'est tout à fait autre chose, c'est "un monde du désir en tant que tel. C'est là le point de départ, le désir est institué à l'intérieur du monde freudien, là où se déroule notre expérience. Il est institué au sein de ce monde pour le constituer. Et ceci jusqu'à la fin n'est absolument effaçable d'aucun moindre instant du maniement de notre expérience, quand nous parlons de la fameuse relation d'objet (...)
Le rapport de désir, qui est le point de départ, le point fondamental, qui est un rapport d'être sans doute à un manque essentiel, à un manque, manque d'être à proprement parler, à un manque qui n'est pas manque de ceci ou de cela, mais essentiellement rapport d'être à un manque par quoi justement il existe."]
D'après le Séminaire de Lacan du 19 mai 1955
"Les mots que nous répétons riment avec notre inconscient."
Mannoni, Séminaire de Lacan du 30 mars 1955
Et aussi les mots que nous répétons pour convaincre l'autre, croyant ainsi ne pas être démasqués, tout en en prenant le risque comme substitut du désir.
"Qu'est-ce qu'un obsessionnel? C'est en somme un acteur qui joue son rôle, assure un certain nombre d'actes comme s'il était mort, c'est une façon de se mettre à l'abri de la mort, ce jeu auquel il se livre est en quelque sorte un jeu vivant qui consiste à montrer qu'il est invulnérable. Pour ceci il s'exerce à une forme de domptage qui conditionne toutes ses approches à l'autrui. On le voit dans une sorte d'exhibition pour montrer jusqu'où il peut aller dans l'exercice, il y a tous les caractères d'un jeu, y compris les caractères illusoires, jusqu'où peut aller ce petit autre qui n'est que son alter ego, le double de lui-même, et ceci devant un Autre qui assiste au spectacle dans lequel il est lui-même spectateur, car tout son plaisir du jeu et sa possibilité résident là, mais par contre il ne sait pas quelle place il occupe et c'est ce qu'il y a d'inconscient chez lui. Ce qu'il fait il le fait à des fins d'alibi (....)
Ce jeu d'aller aussi près que possible de la mort et en même temps d'être hors de portée de tous les coups en tuant en quelque sorte à l'avance chez lui-même, et en mortifiant si l'on peut dire le désir."
Lacan, Séminaire du 28 novembre 1956
"Chacun a le droit d'être fou, à condition de rester fou séparément, car c'est là que commencerait la folie, d'imposer sa folie privée aux autres."
Lacan, Séminaire du 16 janvier 1957
"Ce qui intervient dans la relation d'amour, ce qui est demandé comme signe, n'est jamais que quelque chose qui ne vaut que comme signe; ou pour aller encore plus loin, il n'y a pas de plus grand don possible, de plus grand signe d'amour que le don de ce que l'on a pas (...)
Ce qui établit la relation d'amour c'est que ce don est donné pour ainsi dire pour rien, le rien pour rien qui est le principe même de l'échange de la pure gratuité.
Dans le don d'amour ce qui est donné est donné pour rien. Et ce qui fait le don d'amour c'est que le sujet sacrifie au-delà de ce qu'il a.
Si nous supposons un sujet qui ait en lui la charge de tous les biens possibles, de toutes les richesses, un sujet qui ait en quelque sorte en lui le comble possible de tout ce que l'on peut avoir, un don d'un tel sujet n'aurait littéralement aucunement la valeur d'un signe d'amour. Et s'il est possible que les croyants s'imaginent aimer Dieu parce qu'il serait cette plénitude qui comble, il est bien évident qu'un tel amour ne se fonde que de la possibilité qu'un tel être n'existe pas. Il n'y a aucune raison d'aimer Dieu si ce n'est la possibilité qu'il n'existe pas.
L'amour d'un être est ce qui est aimé au-delà même de cet être."
Lacan, Séminaire du 23 janvier 1957
"Le rideau, le voile est ce qui permet d'imaginer au mieux cette situation fondamentale de l'amour, car la présence du rideau devant l'être aimé, [ce qui toujours subsiste de ne jamais être assez près], c'est là que l'au-delà comme manque tend à se réaliser comme image de l'absence.
Sur le voile se peint l'absence: le rideau prend sa valeur, son être et sa consistance d'être ce sur quoi se projette et s'imagine l'absence. Le rideau, c'est l'idole de l'absence (et ce n'est pas pour rien si le voile de Maya est la métaphore la plus communément en usage pour exprimer le rapport de l'homme avec ce qui le captive); c'est là que se tient comme palpable le sentiment, l'illusion fondamentale, le rapport idolâtre à son désir. C'est dans ce voile que l'homme incarne, présentifie, idolifie ce rien qui est l'au-delà de l'objet de l'amour. Le voile qui devient plus précieux à l'homme que la réalité elle-même."
Lacan, Séminaire du 30 janvier 1957