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Histoire du cinéma #4 : L'Arrivée d'un train en gare de la Ciotat (Louis Lumière 1895)
Histoire du cinéma #4 : L'Arrivée d'un train en gare de la Ciotat (Louis Lumière 1895)

Le 25 janvier 1896, la projection du court métrage L'Arrivée d'un train en gare de la Ciotat marque l'histoire du cinéma en montrant pour la première fois ce qu'un oeil humain ne saurait voir sans le cadrage d'une caméra, à savoir la création d'un champ, d'un hors-champ (où s'engouffre la locomotive), et de différents plans se succédant en une seule séquence. Même s'il n'y a ici qu'un seul plan-séquence, les mouvements des personnages en direction de la caméra semblent faire l'inventaire de tous les plans possibles, du plan d'ensemble au plan rapproché. 

https://youtu.be/dJdVEgOMQPM

L'oeil du photographe qu'était Louis Lumière a rejoint vingt ans plus tard celui du peintre Claude Monet en choisissant de montrer l'arrivée du train dans la diagonale du champ tout en profitant de la haie que forment les personnages qui attendent pour créer une profondeur de champ (là ou Monet avait choisi un alignement d'arbres et une barrière en bois).

Avec ce film nous sommes déjà très au-delà de ce que Louis Lumière appelait une "vue photographique animée". Presque malgré lui -car il n'avait probablement pas conscience des répercussions esthétiques de ses choix intuitifs de photographe- Lumière filme ici un tableau vivant qui démultiplie les seules possibilités de la photographie ou de la peinture.

Ce qui est immortalisé par le cinéma, ce n'est jamais un train, un quai, une gare, des voyageurs, ou même un visage en tant que tel. Le cinéma, ce n'est jamais seulement un mouvement ou une composition comme la peinture pourrait les montrer ou les suggérer. Non, ce que le cinéma immortalise, c'est le temps inarrêtable, c'est le temps qui surgit sans cesse du néant, c'est la vie elle-même. Contrairement à la peinture ou à la photographie, le cinéma ne montre ni l'essence ni l'éternité des choses. Bien au contraire, le cinéma montre le passage même du temps : pour le cinéma, il n'y a pas d'autre essence de la vie qu'elle-même. Ce train n'est train que de paraître au loin, de venir, de s'engouffrer, de s'arrêter; ces personnes sont là dans une même attente mais avec pour chacune d'elle une vie et un destin qui leur sont propres. Ces vies et ces destins, aucun peintre ne pourra les arrêter sur sa toile, car la locomotive emporterait tout sur son passage. Tandis que le cinéma pourrait choisir de les suivre et de les montrer dans d'autres plans et dans d'autres séquences, qui seraient d'autres tableaux vivants, c'est-à-dire tout le cinéma à venir.  

Moteur!   

 

Tag(s) : #Cinéma, #Philosophie, #Peinture
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